30/01/2014

Réveil vers 7h. Je jette un œil par la fenêtre qui donne sur l’endroit où le minibus m’a déposé hier soir : le parking est désert, pas une âme qui bouge. Le jour se lève à peine. Je me dis : ça ne va pas être facile de décoller de ce coin perdu.

À 8h15, je descends à la réception : surprise ! tout est noir dans le hall – personne ! La porte de sortie est fermée à clé et le rideau de fer est baissé !! Et tout le monde qui dort là-dedans ! Je fais un vacarme pas possible pendant bien dix minutes pour avertir. Je savais qu’aujourd’hui ce serait difficile de partir, mais à ce point…

Descend une dame chétive qui avec un grand sourire gêné me montre son trousseau de clés : elle déverrouille la porte et le rideau de fer, puis me rend ma caution.

Dehors, le jour s’est levé sur un temps brumeux : on ne voit pas à cent mètres. 15°. Sur le parking, il y a un minibus : il va à Daxin. J’essaye de lui expliquer où je veux aller ; il ne comprend pas. Une femme s’en mêle : je lui montre sur une carte murale l’endroit (un croisement avec la route de Jinxi 靖西) et elle l’explique au conducteur. Finalement, la dame est une touriste aussi ; son mari rapplique avec un autre homme. On monte tous dans le minibus et on descend sur la route de Daxin. En route, la dame m’explique qu’ils vont à Mingshi 明仕, un site réputé pour ses reliefs (elle me montre des photos sur son mobile) et qui est à 25 km. Elle et son mari me proposent de les accompagner. Je dis OK ! Après tout, à l’aller, le paysage était magnifique, et j’avais bien regretté de n’avoir pas pu y faire une halte. Et ces gens ont l’air bien sympathique ; et, en réfléchissant bien et en allant loin dans leurs souvenirs d’école, ils parviennent à retrouver quelques mots d’anglais.

À Shuolong 硕龙, le minibus nous dépose. Ils négocient un taxi pour nous amener à Mingshi : 200Y à partager. Et on repart. Le conducteur se fait un plaisir de nous arrêter aux endroits photogéniques et à passer par des petites routes, abandonnées du fait d’une nouvelle route qui vient d’être construite. Je ne pouvais rêver mieux.

Arrivés au site de Mingshi, une petite plaine cultivée cernée par des pics et traversée par une calme rivière, le couple part en quête d’un logement. Ils trouvent un hôtel à 80Y la chambre, et me proposent de partager ma chambre avec leur copain. Pourquoi pas ! Il est 11h et parlent déjà de manger, alors que le coin est magnifique et se prête tant aux ballades !! Bon, je me dis : je vais vivre au rythme de la classe moyenne chinoise en vacances et on verra bien ce qu’il se passera.

Et voilà le couple, parti dans les cuisines de l’hôtel (qui fait aussi restau), et qui s’empare des ustensiles de cuisines, des œufs, des viandes, des légumes, et les voilà qui tranchent, qui coupent qui hachent, faisant sauter les aliments dans le wok, à peine aidé par la tenancière de l’hôtel…

Je n’en reviens pas : les clients font leur repas !! et moi, les bras ballants, qui les regarde faire ! Cela dit, je n’en perds pas une miette et j’observe bien leur façon de faire. Ils préparent : un porc double cuisson au gingembre et ail, un poulet poivrons et piment, une omelette à la ciboulette, des légumes – genre pousse de colza à peine en fleur. Et à midi, on est à table pour partager ce délicieux repas. Ma part financière s’élève à 17Y ! Le temps s’est levé, il fait chaud, et le soleil apparaît souvent.

Le ventre plein, on va à un parc touristique où mes hôtes ont une discussion animée avec les gens de la réception dont je ne comprends pas les tenants et aboutissants. L’entrée du parc est de 80Y. Mais on se retrouve dans une voiture … pour aller faire un tour en bateau : 100Y/p. Je m’adapte. C’est une des attractions du site : des radeaux qui imitent les radeaux traditionnels : les bambous qui servent de flotteurs ont été remplacés par des tubes de PVC 100mm soudés… Les gens du parc proposent des animations scénarisées : en tenue traditionnelle, il y a le gars qui pagaie, il y a le jeune qui commente les paysages, il y a des couples sur la berge qui chantent des airs ancestraux (moyennant un petit haut-parleur discret), il y a ce jeune qui fait des cabrioles sur un petit radeau… On descend ainsi la rivière jusqu’au parc où on débarque. La visite du parc (dont je comprends enfin qu’elle est incluse dans ce petit forfait) n’est pas extraordinaire : reconstitution de la vie traditionnelle avec des maisons en bois et en pisé, des animations de jeux, de chants, de danses traditionnelles dans un petit théâtre de plein air. Les prestations semblent satisfaire les rares spectateurs. Je trouve ça un peu artificiel…

Il est 15h, je trouve le temps long : je leur explique que je vais aller me promener dans les environs pendant qu’ils visitent un resort. À l’office du parc, j’ai récupéré un prospectus avec des itinéraires à faire en vélo. Je choisis de faire à pied le circuit jaune (lucky line) que j’aménage en le combinant avec le circuit vert (hapiness line) pour faire bonne mesure.

Et me voilà parti sur les pistes pour une petite rando à travers les champs de canne, encadrés par ces pics majestueux, et par bonheur, un ciel presque bleu ! Je parviens dans un village, je fais celui qui est perdu et montre ma carte aux gens qui, aimablement mais un peu surpris tout de même, m’indiquent le chemin. Je triche un peu car ici, les gens du parc ont bien fait les choses : ils ont disposé des bornes à toutes les étapes qu’il y a sur ma carte… Dans un autre hameau, mon stratagème me fait rencontrer une jeune fille : alors qu’elle est en train de décorer avec sa mère l’entrée de sa maison avec les calligraphies de bonheur pour la nouvelle année, elle me demande dans un anglais parfait si j’ai besoin d’aide, et on entre en conversation. Elle est aujourd’hui pour les fêtes chez ses parents, qui sont de modeste condition, vivant de l’agriculture dans ce fin-fond de la Chine ; mais elle est étudiante à l’université de Changsa dans le Hunan, à plus de mille km ! Elle est ravie de me voir et m’offre un petit mets que l’on prépare spécialement pour les fêtes : c’est emballé dans une feuille de bananier et cuit à la vapeur, probablement du riz gluant – je goûterai plus tard. Elle tient absolument à avoir mon email pour pouvoir échanger. Et bien sûr, elle me montre la suite du chemin (car là, en vrai, il n’est pas indiqué : c’est un aménagement de la carte à ma façon…).

Je me retrouve dans les champs de canne, m’égare un peu, mais, je retrouve le bon chemin sans trop de difficultés. Les autres hameaux sont aussi plein d’agitation : on a sorti les feux de bois et les grosses gamelles devant les portes des maisons, et les gens accroupis préparent le repas du réveillon : qui plume le canard, qui touille la soupe, qui prépare le petit cochon pour le barbecue… Il y a aussi les jeunes qui font éclater des guirlandes pétards, pour la plus grande joie des tout petits. Le vacarme ricoche contre les falaises et l’écho se propage de village en village.

Dans ces villages, ils n’y a quasiment plus de maisons traditionnelles : ce sont des constructions en béton, peintes en blanc, assez joliment arrangées entre elles, restant groupées au bord des falaises pour ne pas empiéter sur les parcelles cultivables.

J’achève ma petite promenade (10km tout de même) de retour à l’hôtel vers 17h30, après avoir trouvé une boutique où acheter bière, brioches et jus d’orange.

Pour voir cet itinéraire sur une carte, suivez le lien :

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/rando-mingshi-1-6051748

Une heure plus tard, le couple frappe à ma porte : c’est l’heure d’aller manger ! En fait, c’est le repas du réveillon ! On est attendu sur le perron de l’hôtel autour d’une table ronde chargée à profusion : des convives que je ne connais pas, des plats, de la bière (du coca local pour les femmes et les enfants…), et le soleil couchant sur les pics. Détail des plats : poulet (deux façons), canard, poisson, tripes, des sauces, des légumes, du riz et une grande soupe de nouille de riz et de boudin issu du sang des volailles. C’est la grande effervescence, on prend des photos, on se congratule et on fait des toasts en se levant pour entrechoquer les verres avant de les ingurgiter. Les pommettes deviennent rouges assez rapidement… Le repas est fameux !

En fait, ici, il ne faut pas boire seul dans son coin. Si on veut boire un coup, il faut demander à quelqu’un de boire avec lui, et entrechoquer les verres avant. Et comme je suis un peu l’animal exotique de la soirée, c’est à tour de rôle que les hommes me font lever mon verre…

L’ambiance du repas décline un peu ; alors je montre à mes hôtes, les photos de ma famille et ils sont ravis, et des Ho ! et des Ha ! Beaucoup de commentaires dont je ne comprends un traître mot !

Les gens quittent le repas les uns après les autres, d’autres arrivent. On me présente : my friend , le fa guo ren  ( 法国人 le Français). Le couple part faire une promenade nocturne. Je lève le camp à 20h30.

Pendant que je rédige le blog, mon voisin de chambrée regarde, couché sur son lit, un film sur son ordi : il y a une belle femme qui chante.

Dehors, encore quelques pétards qui éclatent et résonnent dans la vallée.