06/02/12

Deux jeunes Coréens attendent avec moi à la réception du Seven Heaven le minibus chargé de nous convoyer vers le Mont Moïse. J’ai dans le ventre un copieux repas composé d’une soupe de vermicelles, une salade TC, un riz pilaf, une assiette de variantes, un quart de poulet rôti,  une assiette de sauce tahiné et deux pitas, le tout pour 18 EGP).

Le minibus se remplit au cours de sa ronde devant les hôtels. Le trajet vers Ste Catherine est assez long et coupé de barrages de police : là, des soldats armés jusqu’aux dents nous dévisagent avec un regard peu amène. Le minibus (après quelques péripéties incompréhensibles vu l’état de semi léthargie du groupe), nous dépose au début du sentier vers 1h30.

Nous sommes une vingtaine, ébouriffés (c’est rigolo de voir un Coréen ébouriffé !) et outre un accompagnateur venu avec le car, nous bénéficions de la présence d’un guide, un jeune Bédouin sec et alerte, pour nous montrer le chemin. C’est presque la pleine lune, le ciel est dégagé : pas besoin de lampe. Et le chemin est évident. Il s’agit d’un autre chemin que le classique (voir trace GPS). Il est peu pentu, large et bien dégagé. Il remonte le fond d’une vallée désertique dont les flancs sont d’énormes blocs granitiques roses. Une pause pour nous monter à la lampe torche un gros bloc où avec un peu d’imagination on distingue un visage en train de pleurer : Moïse pas content ! La montée est un peu désordonnée car des gens souffrent  alors que d’autres galopent, certains même devançant le guide. Ce qui fait qu’on trace de courtes étapes, puis on attend les autres à se les geler, car comme chacun sait, le froid augmente avec l’altitude et le vent commence à se faire bien sentir. Parvenus à un épaulement, un large chemin nous rejoint, avec un fort contingent de randonneurs, plusieurs dizaines. Quelques gens à dromadaires luttent contre le mal de mer en s’accrochant à leur selle, leur fière monture en étant totalement indifférente.

La dernière étape est une succession de marches inégales, et comme on a contourné la montagne et que la lune est maintenant au plus bas,  trouver dans l’obscurité la stabilité de son pas est délicat. Tous les cent mètres, il y a des échoppes et même des abris où l’on peut s’assoir, grignoter et se reposer. Vers 3h30, on s’installe dans l’une de celles qui sont les dernières avant le sommet, et on attend une heure ainsi, à l’abri du vent, à demi endormis. Il reste cinq minutes de marche avant d’atteindre le sommet.

Ce dernier trajet se fait dans la cohue, car entre temps quelques centaines de randonneurs sont arrivés. On a du mal à se caser sur les terrasses qui entourent les deux églises dominant au sommet, le vent ajoutant à la confusion. Les gens sont allongés, emmitouflés dans des couvertures louées par des Bédouins, qui proposent aussi de fins matelas élimés. Je m’allonge dans une petite place entre un Français et un Malaisien contre un muret à l’abri du vent, m’emballe dans mon duvet polaire, et attend en somnolant non pas la venue du messie, mais le lever du soleil. Le groupe est maintenant complètement disloqué, le guide, disparu !

Il y a bien mille personnes sur ce bout de rocher, et quand les premières lueurs apparaissent, chacun est debout, la caméra numérique au poing. Les mines ne sont pas fraîches, mais tout le monde à l’air réjoui de voir le soleil enfin apparaître au-dessus de la brume marine, mais sans l’enthousiasme et ni le soulagement que les Indiens de l’Inde du sud éprouvent pour cet événement au cap Comorin (voir pages Kanyiakumari dans le site destination Inde).

Le soleil révèle un spectacle éblouissant sur les montagnes environnantes aux formes torturées que, lors de la montée, la seule lumière de lune ne révélait pas. Les violets cèdent la place aux rose-oranger, les reliefs s’accentuent avec l’arrivée des ombres, les brumes pâles s’étalent au fond de quelques vallées. L’horizon de la mer est confondu avec celui des sombres nuées marines. À 360°, un paysage exclusivement minéral : pas un poil de végétation dans ces montagnes arides.

La descente, que je fais sans mon groupe (mais existe-t-il encore ?), s’effectue dans le calme, la confusion étant à craindre vu le nombre. Apparemment il y a là pas mal de pèlerins venus des quatre coins du monde motivés par leur foi. Il y a surtout un fort contingent de Russes, hébergés dans les complexes hôteliers et dont la randonnée est comprise dans le forfait. Des femmes n’ont pas quitté leurs chouettes ballerines, et souffrent un peu.

Je descends rapidement par l’itinéraire classique dont l’extrémité est le monastère de Sainte Catherine. Je refais mon paquetage car maintenant il fait chaud et je suis en sueur. Visite de ce monastère fortifié, encastré au cœur de la montagne désertique. Entre les hauts murs, une église richement décorées, des bâtiments monacaux et Le buisson ardent. De quoi vivaient ces moines, (installés ici depuis le 6ème siècle) alors qu’il n’y a ici aucune terre cultivable et seulement quelques rares sources intermittentes ? Maintenant qu’il est relié à la côte par une quasi autoroute, restauré et inscrit au patrimoine de l’UNESCO, ils n’ont plus de problème de revenus !

Je retrouve mes compagnons d’aventure et le guide à l’entrée du monastère et, vers 10h, on redescend vers Dahab. Tout le monde somnole, sauf le chauffeur…

Pour visualiser cette randonnée, suivre le lien :

https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/mt-musa-70365607

 

Le monastère de Ste Catherine

 

L’église

Arrivé à l’hôtel (11h45), le gars de la réception m’annonce qu’il est encore temps d’attraper le bus pour Sharm El Cheikh et sauter dans la correspondance pour Ismaïlia. Une fois mes affaires récupérées de la boîte à consigne, et refait mon sac, il m’accompagne en taxi jusqu’à la gare routière. Et achète mon ticket, commettant au passage la petite indélicatesse de se prélever discrètement un bakchich, alors que je m’apprêtais à lui en donner un…

Commentaire Spécial Dahab

Je suis vraiment tombé sous le charme de cette station. Il y a là tout ce qu’il faut pour passer des vacances agréables, « à ma façon » c’est-à-dire sans la pression des hordes et du harcèlement. L’ambiance à l’hôtel Seven Heaven, bien que vieillissant, est très agréable. Outre les activités pour les fanas de plongée, il y a plein d’excursions proposées dans les Monts Sinaï, à pied, à dromadaire, ou même en quad (beurk) ; on peut acheter des forfaits pas chers pour aller en Jordanie voir les ruines de Pétra et même des virées en Israël pour visiter Jérusalem. Pleins de restaus pas chers dans la ville arabe. Les vols arrivent direct d’Europe sur Sharm El Cheikh qui est à 90 mn en bus. Une destination facile, donc !

Je fais le trajet en bus en somnolant, un peu confit dans la sueur, la lumière du soleil n’aidant pas à ouvrir grand les yeux. À Sharm, j’ai juste le temps de changer de bus : arrivée dans la banlieue d’Ismaïlia à 20h dans la nuit. La traversée du désert de la côte Ouest du Sinaï me permet de dormir un peu puis d’apprendre par cœur le guide. Avant d’entrer dans le tunnel sous le canal de Suez, à un poste de l’armée et sous la surveillance d’un tank et d’automitrailleuses, on nous fait tous descendre pour la fouille du car. Les Égyptiens ont l’air d’être habitués : spontanément ils se mettent en une file et posent leurs sacs en ligne parallèle à un mètre devant eux, sous la mire de soldats armés. Dans l’air lugubre de la nuit, ça fait l’effet d’une rafle. Un soldat fait renifler les sacs par un berger allemand tenu en laisse ; je me demande sur quel sac il va pisser… Que cherche-t-on : armes, drogue ?

J’apprendrai sur internet que, la veille, le pipeline qui fournit du gaz à Israël a été explosé intentionnellement.

À Ismaïlia, on me dépose dans la banlieue et mon arrivée provoque une petite bagarre verbale entre deux chauffeurs de taxi pour m’emmener au centre-ville.

Installation à l’hôtel New Palace. L’hôtel semble vide mais le gars à la réception m’affirme qu’il n’y a qu’une grande chambre familiale de libre et que l’escroc fait à 120 EGP, ce qui n’est pas cher car il y a un petit salon, une sdb de 20m², une grande chambre contenant quatre lits aux draps immaculés. Mais je suis sûr qu’il y avait plus petit et moins cher. Surprise, il y a la WiFi qui fonctionne dans cet hôtel, par ailleurs en voie de délabrement.

Petite promenade tardive au cantre ville qui est très animé ; on croirait que tous les jeunes sont sortis de chez eux et font les magasins. J’achète quelques pâtisseries dans un magasin envahi de clients gourmands, et fais quelques autres courses pour piqueniquer car les restaus inscrits sur les guides sont fermés (for sale).

Après mon petit repas improvisé dans le salon de ma chambre, dodo réparateur : 20 km de montagne dans les pattes et une nuit blanche !