04/02/12

Réveil tôt pour prendre le ferry pour Sharm El Cheikh. Il fait beau ! Arrivé au port (8h), je vois bien le grand ferry amarré au quai, mais les grilles du port sont fermées ainsi que le bureau des réservations …mauvais indices ! Dans le bistro mitoyen, des types emmitouflés malgré la chaleur prononcent les mots qui énervent : « boat canceled » ! Mes protestations n’y font rien : il est évident que le ferry ne part pas car il n’y a pas assez de clients (on est une demi-douzaine à attendre) ; le gars qui représente la compagnie parle de mauvais temps, alors que la mer est plate, pas un gramme de vent et un soleil magnifique. On me rembourse. Mais que faire ?

Un des clients, un trentenaire parlant anglais (il se présente : Reda) fait le médiateur et m’annonce qu’un petit bus va nous prendre pour nous amener à Sharm El Cheikh : 200 EGP. Il nous faudra contourner tout le golfe et passer par Suez. Une journée de route au lieu de 90 mn de bateau…

Finalement on est une vingtaine dans le bus dont un Anglais et un Chinois. Je suis assis à côté de mon « protecteur » (tout le long du voyage, il va m’aider, me conseiller sur la suite du voyage et faire l’interprète !).

On remonte la côte ouest qui est un vaste désert, une montagne pelée qui par endroits tombe direct dans la mer. Pas de végétation en dehors de celle importée pour les complexes hôteliers qui égrènent le parcours.

En effet de loin en loin, des constructions toutes neuves ont poussé dans ces endroits inhospitaliers, mais la plupart sont inoccupés et souvent à l’état de chantier abandonné. De loin en loin, on trouve aussi des postes de police et des dépôts de pétrole.

Rien d’autre à montrer aujourd’hui !

Le chauffeur s’arrête plusieurs fois pour prendre de l’essence mais quinze litres seulement à chaque fois… J’ai donc une bonne connaissance des stations-services de ce pays… L’essence coûte 1,8 EGP le litre (0,22 EUR !). On voit la différence avec nos prix et ce que l’État français se met dans la poche…

J’ai largement de temps de discuter avec mon voisin. Alors qu’on voit une centaine de gens accroupis le long de la route avec des outils de maçons devant eux (en attente d’un employeur), j’apprends que le travail de maçon d’une journée est rémunéré de 50 à 70 EGP, soit de 7 à 10 EUR. Bien sûr il n’y a pas de cotisations sociales et on n’est pas du tout sûr de trouver un employeur. Quant à lui personnellement, les choses ne vont pas bien non plus. Avant, il avait un bon boulot dans le tourisme à 500 EUR/mois plus logement et voiture, mais à cause de la crise dans le tourisme, son patron a viré tout le monde et il fait actuellement un boulot à moitié de salaire, sans logement ni voiture. Quand il en parle, il a plutôt les boules et est au bord des larmes. Quant à la révolution, il est plutôt pour, mais il est inquiet pour le tourisme, mais « ça ira mieux, Inch Allah ! ».

Il me pose aussi des questions sur comment ça fonctionne chez nous : la religion, le mariage, les prix, etc… Il affirme être un bon croyant (il a fait une prière durant une pause essence sur des tapis à disposition derrière les pompes). Il attend de la révolution du changement : moins de corruption, plus de liberté, mais pas du côté des mœurs. Il est très représentatif des classes « moyennes » déclassées par la crise.

Plus on s’approche de Suez, plus il y a d’usines : pétrole, mais aussi sidérurgie, chimie, ciment, … Suez est une grosse agglomération aux faubourgs déshérités et surpeuplés, contrastant avec les complexes hôteliers géants et flambants neufs et vides de la côte. On contourne Suez par le Nord et on traverse le canal sous un tunnel. Il est hyper protégé par l’armée : des tanks en faction aux entrées, militaires mitraillette au poing.

La rive Est  de ce bras de la Mer Rouge est pareillement désertique. Elle a aussi attiré des promoteurs qui maintenant doivent s’en mordre les doigts : toujours les mêmes complexes hôteliers tout neufs, laissés sans vie par la crise. On s’arrête aux nombreux postes de l’armée qui jalonnent la route, les tanks comme des chiens d’arrêt.

Vu le détour par Suez, j’escomptais descendre avant Sharm pour prendre le raccourci pour Ste Catherine, le fameux monastère  au pied du Mont Sinaï, par la route de Wadi Feiran, mais celle-ci est coupée par l’armée !

L’arrivée sur Sharm se fait alors que la nuit est tombée depuis une heure. La ville semble très chic : larges avenues, des magasins de luxe vivement éclairés, des hôtels de très haut standing, quelques vacanciers qui déambulent à la recherche d’un restaurant parmi les centaines.

La station des bus est moins rutilante, bien que récente. En pleine zone, à moitié laissée à l’abandon, les espaces qui était destinés à des magasins sont devenus des dortoirs pour les gens en attente de bus, et  des vendeurs à la sauvette proposent du thé, des cigarettes et des sandwichs à base de corned beef. Une télé branchée par des raccords d’araignée diffuse des images des manifestations. Mais je n’arrive pas à en comprendre la chronologie, car il y a un méli-mélo d’archives et je n’en comprends pas les commentaires. En résumé, ça chauffe au Caire …

Je décide malgré l’heure tardive de prendre un autre bus pour Dahab, le luxe de Sharm ne me charme pas. À 21h le bus part et arrive à Dahab à 10h.

Un pickup charge les passagers pour aller au quartier des hôtels. Je demande à être déposé au Seven Heaven, et après une petite mais vive discussion avec le chauffeur qui voulait me déposer dans un autre hôtel, je pose enfin mon sac.

Le gars de la réception m’accueille bien cordialement. Ma chambre est plutôt médiocre, mais c’est bon pour aujourd’hui. Je fais un tour en ville. Quelques promeneurs dans rue piétonne qui longe le bord de mer. L’ambiance est du genre baba-cool aisé : des restaus avec pleins de coussins, divans et tables basses au-dessus des clapotis des vagues. Ils ne servent plus à cette heure tardive : je grignote des sandwiches à ma façon après de petites courses.