13/02/2014

Démarrage lent ce matin…

Je me rends à la gare routière des bus locaux et choisis vaguement au hasard un bus qui va au nord de Kaili : Chong’an (ou Zhong’an) 重安 à 40km au nord.

La route est montagneuse et enfile une vallée dont la rivière est polluée par les effluents provenant d’une série d’usines exploitant du minerai. La rivière et ses rochers sont roux ! Chong’an est un petit bourg au bord d’une autre rivière. Dans la vieille ville, quelques maisons de la rive sont anciennes et donnent à ce coin un petit air de Chine d’antan. Pour le reste de la ville… Petit marché coloré où se pressent des femmes de diverses ethnies portant coiffe traditionnelle.

Je traverse la rivière par un pont suspendu piétonnier et commence une petite rando vers les villages Miao qui sont plus haut dans la montagne. Je suis des gens qui montent par un chemin-escalier en pierre. Le chemin passe de terrasse en terrasse conduisant à de petites fermes que je visite à la grande joie de leurs habitants.

Au bout de deux kilomètres de montée, je passe par un hameau composé de fermes traditionnelles en bois. Et l’une d’entre elles est toute neuve. Ici on construit dans la tradition : assemblage de poutres sans clous, murs en plaques de bois, tuiles fines sur le toit. Seule concession au modernisme : le sol est bétonné et couvert de carrelage. Mais, à l’intérieur la vie s’organise comme dans les maisons anciennes. Et les toilettes sont toujours dehors, au fond du jardin…

On entre dans les maisons par un petit seuil qui donne sur trois portes : la porte du milieu (en face) donne sur la pièce « sacrée », là où il y a l’autel des ancêtres, bougies, encens, portraits, offrandes .La porte de gauche, donne dans la cuisine, la porte de droite sur le salon télé. À l’étage, les chambres à coucher. Au-dessus encore (sous les toits) un espace de rangement à tout vent. Toutes les maisons sont construites sur ce plan de base.

Il n’y a pratiquement pas de mobilier : seulement des grands canapés au salon et des lits dans les chambres. La cuisine et la vaisselle se font à même le sol. L’eau est apportée dans des gros sceaux depuis la source proche. Il y a un feu à même le sol pour avoir de l’eau bouillante à tout instant. Sur une chaise, il y a un cuiseur de riz électrique, et sur une autre chaise une plaque à induction. Un petit placard bancal sert de rangement pour la vaisselle. Toutes les opérations de cuisine se font à croupetons ou assis sur de minuscules tabourets. La télé est toujours allumée, mais pas grand monde la regarde.

Quand je fais irruption par le petit sentier, les gens sont étonnés, et remis de leur surprise, me font des grands signes pour venir les voir. Dans ce petit hameau, tout le monde est plus ou moins parent, et c’est la franche rigolade entre nous, bien qu’on ne se comprenne pas ! On m’offre du thé bien chaud, bien agréable par ce froid ! Aujourd’hui le soleil fait de timides apparitions, mais il ne faut pas compter sur lui pour se chauffer les os. Les familles m’invitent à entrer dans leurs maisons et me les font visiter, y compris et surtout la nouvelle dont ils sont très fiers.

Puis on m’invite à rester manger ; mais comme on vient à peine d’attraper le poulet, et qu’il est bientôt trois heures, je préfère décliner. Je reste cependant encore un peu dans ce hameau et observe comment ces gens s’arrangent avec le quotidien. Il y a un bébé qui sait tout juste marcher. Sa maman le laisse faire sans jamais lui interdire quoique ce soit : ni le feu, ni l’eau bouillante, ni les grands hachoirs, ni reprendre le gâteau baveux tombé par terre ne semble l’inquiéter… Le père s’occupe autant de la cuisine que la mère (ils ont à peine vingt ans…). C’est la mère qui donne à manger au bébé : une soupe de wonton (raviolis) dont elle teste la chaleur sur ses lèvres avant de la donner au bébé. Le grand père est dehors à fabriquer une échelle en bois : il dispose d’une meuleuse électrique, le reste sont des outils manuels. Le grand frère du bébé a attrapé un poulet par les ailes et s’amuse avec, ce qui ne semble pas être du goût du bestiau…

Après avoir passé deux heures dans ce hameau aux gens accueillants et sympathiques, je redescends à Chong’an et de là attrape un bus qui va à Kaili.

Je passe à l’hôtel pour récupérer des affaires car c’est l’incertitude pour la suite de la journée : ce soir il y a le festival des dragons et des lanternes à Taijiang 台江, une ville à 45 km à l’est de Kaili. Et comme cette fête se déroule la nuit, je ne sais pas si je dois trouver de quoi loger sur place ou si je peux trouver à rentrer sur Kaili… Or il n’y a pas de bus locaux la nuit !

Bus à la gare des longues distances : sur mon ticket le bus doit partir à 18h40, il part à 18h10 !

Ici, il faut s’attendre à tout !

La sortie de Kaili est chaotique : on y construit une nouvelle route. Puis c’est l’autoroute.

Il fait nuit à l’arrivée du bus. Taijiang est une importante ville nouvelle, ce qui fait contraste avec la petite ville visitée ce matin. Il y a déjà du monde sur la grande place toute illuminée des guirlandes de LED qui soulignent le bord des immeubles. Les dragons, fabriqués en papier léger sur de fines armatures de bambous, sont portés à bout de bras par les jeunes qui se font un malin plaisir à les faire virevolter, d’autres les entraînant à grands coups de tambours, de gongs et de cymbales. Certains sont déguisés, d’autres, torse nu (par ce froid!!). Il y a plusieurs dragons tenus uniquement par des femmes. Je trouve que ce sont les plus beaux.

Il y a aussi les lanternes (avec une LED à l’intérieur – on n’arrête pas le progrès…), et elles sont portées par les enfants que leurs parents accompagnent.

Les dragons arrivent de tous les horizons et se rassemblent sur la grande esplanade et ils passent tour à tour faire les pitres sur une estrade : c’est un concours.

Je remonte la rue qui longe la rivière et dont les quais sont illuminés. Je suis à contre-courant des centaines de gens qui vont vers la place. D’où viennent-ils ? De leur quartier, les familles, les anciens, les enfants chahuteurs, les ados plutôt énervés et impatients, tout le monde se rend sur la place centrale, ce qui finit par faire du monde (5000 ?). Ce rassemblement doit donner des émotions aux autorités locales car il y a plusieurs pelotons de police, un de l’armée, un camion de pompiers, et les voitures de polices qui sillonnent les rues bien qu’elles soient devenues piétonnières.

En fait, il s’agit d’un carnaval pour amuser les enfants….

Retour sur l’esplanade où le concours bat son plein. Les puissants haut-parleurs des organisateurs beuglent à s’en casser les oreilles.

Un fois passé sur la tribune, chaque dragon descend dans la foule et se met à tourner en rond en crachant du feu, ou plutôt en crachant des étincelles à l’aide de petits canons à feu d’artifice.

La foule n’est pas indifférente, elle commente les prestations des dragons, et exulte dès qu’il crache du feu.

Vers 21h, je me dis qu’il faut que je me décide pour le reste de la soirée. Je vais faire un tour vers la bretelle d’autoroute qui est juste à la sortie du village, à proximité de la petite gare routière plongée dans l’obscurité. Passent deux voitures, en un quart d’heure, c’est la troisième qui me prend !

C’est un assez jeune homme, très fier de me prendre : il vend des ordinateurs à Kaili et alentours. Quand je lui dis que je suis français, il allume le plafonnier de l’habitacle et me montre tout heureux le lion Peugeot sur le volant ! Je suis dans une 307 ! Arrivé dans la zone des travaux, il me demande où il doit me déposer. Je lui indique la rue dont il inscrit le nom sur l’écran tactile de son GPS intégré au tableau de bord …

Et ce garçon fort sympathique me dépose quasiment au pied de mon hôtel !!