12/02/2014

Ce matin est très gris, -2°, ça gèle !

Je passe la matinée à organiser un semblant de calendrier pour les prochains jours : il y a des festivités un peu partout. Les gens d’ici sont stoïques, par ce froid…

Je me rends compte que j’ai passé la date des « -18 jours avant la date du départ » qui correspond à l’ouverture des réservations de trains. Et je dois me remuer si je veux un train pour Shanghai pour le 28/02. Alors, direction la gare. Je trouve un guichet de réservation qui n’est pas dans la gare. Ça m’évite l’inévitable queue ! J’ai assidûment (et laborieusement) préparé un papier écrit en chinois (recopié d’un traducteur en ligne, hé hé…) avec le N° du train, la date, la destination, le type de couchette, etc… . Je montre mon bel effort de papier ; la dame du guichet pianote sur son clavier, et aussitôt me dit le mot effrayant tant redouté : « meiyou » 没有 = y’en n’a pas ! Elle tourne vers moi son écran d’ordi comme pour me prouver sa bonne foi. Mais aussitôt elle me propose le train suivant (une demi-heure après) où il reste une place ! Pffou !

Il faut vraiment s’y prendre à l’avance si on veut une place dans un train !

J’admire mon beau ticket : 327 Y pour un trajet de 20h, 1565 km.

Petit tour dans un marché où on peut se procurer du canard fraîchement dépecé et du chien rôti. (Âmes sensibles…)

Je me rends à la gare routière des bus locaux où je n’ai pas trop de difficultés pour trouver le bus pour Tunggu 铜鼓, un lieu-dit où se déroule un autre festival lusheng.

Décor de chantier d’autoroute (j’y peux rien, ce n’est pas une obsession…). Des gens arrivés en scooters, en microminibus, en 4×4, etc, se dirigent vers le lieu des festivités. Aucun touriste chinois et encore moins étrangers ! Ici, ça n’a pas du tout le même caractère qu’hier. C’est plus du domaine de la fête champêtre : il faut monter quelques degrés de terrasses, un vague chantier/terrain vague/cultures de choux où se pressent les gens. Il se tient là plusieurs « activités » : la nourriture, bien sûr, représentant la majorité des stands, les ventes de jouets, bibelots, déguisement + photo souvenir, etc… et même des robes de mariées. Parmi les stands, se tient un très sérieux concours de chants traditionnels, avec un jury qui ne rigole pas… et pas du tout troublé par une sono pourrie !

Et par ailleurs, il y a les trois principales attractions : le ring de combat de chiens, les arènes de combats de buffles et … l’esplanade des danses au lusheng. Ici, les danses attirent moins de curieux que les deux autres spectacles. Les combats de buffles attirent dans les arènes au moins deux mille personnes et les combats de chiens au moins cinq cents.

Du côté des buffles, les dix gradins de parpaings des arènes entourent le terrain de combat terreux et poussiéreux (50x120m). Une petite tribune abrite le jury et les animateurs qui, micro en main, présentent – je suppose – les bêtes et leur proprio. J’arrive à m’infiltrer dans les tribunes combles (précisons ici que c’est gratuit), et m’installe à une des rares places libres – je comprends plus tard pourquoi elle était libre : juste à mes pieds, un type a rallumé un feu de bois pour se réchauffer. C’est donc avec la fumée dans la gueule que j’ai assisté au spectacle.

Les buffles, l’air débonnaires, sont amenés dans l’arène, tirés à l’aide d’une corde passée dans l’anneau du nez, et entrant par des portes opposées. Ce sont des bêtes de plus d’une tonne et leurs cornes en sabre de janissaire sont longues d’un bras d’homme. Des coups de bombes de peinture sur la panse indiquent le N° d’ordre de la bête : C-5 semble être un bon tuyau… À peine libérés et voyant l’Abel d’en face, ils se précipitent l’un sur l’autre et se confrontent dans l’instant, tête contre tête, cornes contre cornes. Ces animaux, qui semblaient la seconde d’avant, si paisibles, les voilà soudain mener un combat violent et peut-être mortel. La poussière s’élève, la rumeur monte dans les tribunes, parfois les gens se lèvent et invectivent les animaux lorsqu’une phase mouvementée se déroule. Mais les phases où les bêtes sont collées front à front sans bouger tout en poussant sont les plus longues.

Les combats se déroulent par round d’un quart d’heure maximum. Soit un des deux buffles se met à fuir l’adversaire, soit l’un des protagonistes terrasse l’autre sous ses cornes : dans les deux cas le vainqueur est bien identifié ; soit enfin le combat est rugueux, le sang coule, alors le jury décide d’arrêter le combat pour éviter des coups mortels. Le jury apprécie laquelle des deux bêtes l’emporte aux points. Les vainqueurs devront passer d’autres combats avec d’autres vainqueurs, etc, donc il ne faut pas trop les malmener.

Une vingtaine d’hommes en treillis sont dans l’arène durant le combat et interviennent quand il faut séparer les bêtes. Ils sont munis de bâtons terminés d’un crochet qu’ils essayent alors de passer dans l’anneau du mufle.

Ce qui est curieux dans cette animation, c’est qu’il ne semble pas y avoir de pari. Je n’ai vu aucun comptoir ni guichet, ni, dans la foule quelqu’un sortir des billets. C’est un spectacle pour l’attrait du combat. Les spectateurs sont essentiellement des hommes, mais quelques femmes y assistent, et ne sont pas les moins passionnées. À côté de moi, un jeune couple avec leur bébé partage la fumée avec moi !

Bon, j’assiste à trois combats, et décroche, car c’est pas trop mon truc, et avec la fumée, je sens déjà le boucané…

Derrière les arènes se tiennent les danses au lusheng. Il y a une vingtaine de cercles, mais beaucoup moins de spectateurs… Les hommes sont pour l’heure dans l’expression de la testostérone… Les danses sont pareilles que celles d’hier, à la différence près qu’il fait plus froid, que tout le monde se pèle à cause du vent, et qu’elles ont bien du courage à faire leurs rondes à petits pas.

Je grimpe en haut d’une maison en construction qui surplombe la terrasse, et trouve un point de vue sur tout l’espace des danses.

En contrebas dans les champs, un autre spectacle attire du monde : une petite foule se presse autour d’un ring où se déroule un combat de chiens. Là aussi, les chiens qu’on tient en laisse, ont l’air si gentils et paisibles (on pourrait les caresser… ) ; mais il suffit qu’on les détache et qu’on les lâche dans le ring pour qu’ils se précipitent l’un sur l’autre et s’attrapent au garrot jusqu’au sang. Et la vivacité des chiens est bien plus forte que ces patauds de buffles. Pas une seconde de répit  dans le combat ! Les mêmes règles que pour les buffles s’appliquent ici. Mais parfois le combat est si vif que les gardiens ont du mal à séparer les bêtes. Clameurs de la foule, invectives contre des décisions contestables des arbitres…

Reste un dernier spectacle qui attire beaucoup de monde : dans une arène, Spartacus…. Non, c’est une blague !

Bon, ces spectacles de violence organisée, ça laisse un peu de trouble dans la tête et met un peu mal à l’aise…

Retour à Kaili par un car que j’attrape à la volée. Je fais quelques courses dans un supermarché. Au rayon vins, beaucoup de bouteilles de vins chinois, parfois très cher (200Y) – un seul vin étranger : un coteau du Languedoc AOC, plutôt cher, et qu’on n’achèterait pas forcément en France…

Ayant mangé une grosse part de soupe de nouilles entre le combat des buffles et celui des chiens (comme quoi ça ne coupe pas l’appétit), je me contente pour ce soir de desserts et, avec modération, d’une bouteille de vin « Greatwall » …