02/04/2011
Réveil à 6h. On traverse la ville à 7h30 : c’est samedi, jour de repos et de nombreuses boutiques ont leur rideau de fer baissé. Et pourtant les ruelles sont déjà animées : des gens, surtout des femmes, se dirigent vers les temples, autels, statues, et autres objets de culte pour y apporter des offrandes. Elles tiennent dans les deux mains une assiette remplie de victuailles (œuf, riz, graines…), de ghee, de pigment, de fleurs, de bougies, de pièces de monnaie. Parfois cette assiette est couverte par un napperon brodé. On fait la queue devant les idoles sacrées, déjà entourées de dizaines de bougies allumées. Les offrandes s’accumulent à leur pied.
Pour prendre le bus pour Daksinkali, le LP indique trois endroits le quartier de Ratna Park. En fait il n’y en a qu’un, la gare routière. En effet quand le bus arrive aux autres endroits, il est déjà archi plein ! On cherche le bus 22, mais il n’y a pas de numéro sur les bus !! À notre demande, on nous indique un bus déjà plein à craquer. On le laisse partir, en espérant avoir une place dans le suivant. Entre temps, le monde s’agglutine sur le « quai », et lorsque le bus arrive, c’est l’assaut ! Je fais partie des premiers assaillants ; Véro, loin derrière, lutte pour sa survie. Après avoir écrasé quelques personnes et reçu quelques coups en échange, on trouve deux « bonnes » places : une vague mousse sur une caisse à outils derrière le siège du chauffeur. Pendant une bonne dizaine de minutes les gens continuent à lutter pour monter, mais maintenant pour espérer avoir une place pour mettre la main sur une barre…
Une fois parti, le bus plein continue néanmoins à prendre des gens le long de la route, mais ceux-là n’ont plus que le toit pour s’installer.
Cette affluence pour ce bus (alors qu’à la gare routière les bus qui partent pour d’autres destinations sont modérément remplis), est due à ce que le samedi matin se déroulent les sacrifices d’animaux en offrande à Kali.
Pourquoi le bus va-t-il mettre deux heures pour faire les vingt-trois kilomètres ? Réponses : – c’est un vieux bus au moteur poussif, – on s’arrête tous les cent mètres (voire moins !) pour monter ou descendre des gens, ceux étant sur le toit ou au milieu de la travée centrale mettant plus de temps, – il y a les contrôles routiers (péage, police qui contrôle les papiers du véhicule – il passe là au moins dix fois par jour…), – route étroite et sinueuse : on se coince et on manœuvre avec les camions citernes remplis d’eau de source qui viennent d’en face, – le conducteur a un volant difficile à tourner, – à certains endroits, la côte est à vingt pour cent… et enfin la route est très fréquentée.
L’arrivée dans les parkings de Daksinkali se fait dans le désordre total : il y a garés là des centaines de scooters, des centaines de taxis, des dizaines d’autocars de pèlerins et un monde incroyable qui circule pour se diriger vers le fameux temple. Des allées piétonnes, à l’ombre d’une forêt de pins, et bordées des stands habituels de souvenirs, des fleurs en colliers, des « kits offrandes » et autres babioles, mais aussi de stands proposant des coqs ou des chèvres vivants : ils seront bientôt sacrifiés. D’autres stands proposent à la vente des épices et des légumes, pour les accommoder, car, une fois sacrifiés, ils seront rôtis en barbecue par leur propriétaire !
Du reste, lorsqu’on s’approche du temple (on resquille une immense queue – plusieurs centaines de mètres – de gens en famille aux bras chargés de plateaux de victuailles ou de coqs battant encore des ailes), on sent l’odeur des grillades qui se préparent dans les sous-bois. Le temple est tout petit, comparé à l’affluence qui s’y presse. Comme on est invisibles des gens dont l’esprit est entièrement occupé par cette attente, puis par ce sacrifice, on s’installe derrière un petit mur en amont du lieu des sacrifices et on observe. Les gens, disciplinés, font la queue en piétinant puis quand c’est leur tour, un type leur prend des mains les offrandes pour les mettre sur un tas, les gens ayant à peine le temps de faire leurs gestes rituels ; ceux qui ont des animaux, doivent les confier à un type aux larges épaules qui s’en empare, et aussitôt, en trois mouvements et quelques battements d’ailes, le coq est égorgé, la tête jetée aux mouches. Pour les chèvres, c’est plus sportif : il lui faut leur coincer la tête entre les cuisses la tourner de 180° et lui trancher la gorge. Le bourreau fait couler le sang sur l’autel de Kali en secouant l’animal. Le propriétaire de l’animal donne un billet au sacrificateur (boucher ?) et récupère sa bête ainsi sacrifiée, vite enfouie, encore en train de gigoter, dans des sacs et emmenée dans un endroit où on la plume ou on lui enlève la peau et les poils.
On quitte l’endroit aux allures un peu rudes pour nos esprits petits bourgeois des villes occidentales pour se promener dans la forêt : dans les allées il y a des stands de bouffe (pour ceux qui n’avaient que des fleurs à offrir) et ailleurs, des kiosques où des gens joyeux sont occupés derrière des grandes gamelles à mitonner leur coq ou leur chèvre… Ici, on peut même acheter son bois pour le feu. Des gens ont apporté un générateur pour alimenter une sono, et on a droit à de la musique, ce qui adoucit les mœurs, comme chacun sait.
Dans cette ambiance de fête foraine un peu décalée, on grimpe sur la colline nord qui la surplombe ; on sort de la forêt et on arrive essoufflés sur un plateau bien cultivé.
Un peu plus loin, on atteint Pharping, un village où il y a plusieurs monastères bouddhistes tibétains aux toits dorés et brillants. On en visite un sous l’œil placide d’un moine qui mange son riz à l’ombre d’un stupa. Puis on grimpe des escaliers puis un sentier : ils mènent au sommet d’une petite montagne couverte de drapeaux de prière. La promenade est agréable, malgré le soleil, car le vent fait de la musique avec ces drapeaux multicolores.
Sur le chemin du retour, on déguste de la saucisse de poulet (qui ressemble à du boudin) dans le Sikkim Restaurant, petite échoppe au pied des monastères.
Au carrefour avec la route de Daksinkali, on attend le bus, craignant le pire pour le confort de la descente. Crainte vérifiée ; on est pendus comme des singes à la barre du plafond au milieu du bus et on est balloté pendant deux heures, la tête coincée sur le plafond, ce bus-là ayant été construit par et pour les sept nains. https://fr.wikiloc.com/itineraires-randonnee/pharping-2383793
À KTM, retour à l’hôtel par Durbar square, où l’électricité est coupée à l’heure où elle devait être mise en place !
Ce soir, comme tous les samedis, barbecue géant en plein air à l’hôtel. On revoit des habitués, ambiance agréable et décontractée. Un peu de musique.