18/01/2008
Donc nuit enfumée, et cahots de la route qui réveillent mon mal de dos… Arrivée à Liu Ku 六库 à 6 h, il fait nuit. Je laisse mon sac à la consigne et fais le tour du bled pour trouver de quoi petit déjeuner ; les boutiques ouvrent les unes après les autres et je trouve une pâtisserie puis un restau où je m’assieds pour casser la croute sous les regards soupçonneux des serveurs qui me prennent surement pour un martien.
Je traverse la ville et le pont au-dessus de l' »angry river », « la rivière en colère ». C’est l’Italien rencontré à Yuanyang qui m’a recommandé de remonter cette rivière vers le nord et ce, jusqu’au bout de la route. Cette rivière (en fait un fleuve) nait au Tibet, puis après passe par le Yunnan sous le nom de Nujiang, et enfin traverse la Birmanie sous le nom de Salween. Ce fleuve est facile à situer sur la carte : il est parallèle au Mékong et au Yang Tse – c’est le plus à l’ouest des 3 – et à cet endroit, ces trois fleuves descendent vers le sud, séparés par de hautes montagnes. Cette curiosité géographique m’a toujours étonnée : ici elles sont à peine séparées par 30 km de montagne, puis, après une centaine de km de voisinage, leur route se sépare, l’une vers l’Est de la Chine (le Yiang Tse), l’autre vers le Sud du Vietnam (le Mékong), et enfin l’angry river, qui se jette dans le golfe du Bengale. Un peu le même sort d’éclatement géographique que pour le Rhône, le Rhin et le Danube dont les sources ne sont pas trop éloignées.
Après avoir fait mon petit tour en ville, je retourne à la gare routière et prends un billet pour Bing zhong luo 丙中洛 le dernier bled au nord de cette vallée. La guichetière, bien aimable, me montre le bus à prendre à 8h20, car il est déjà garé là. Il me reste donc trois quarts d’heure. Alors je vais à l’hôtel de luxe que j’avais repéré et leur demande si je peux prendre une douche. Un quart d’heure de palabres car personne ne me comprend. Je fais même le dessin d’un bonhomme sous une douche et leur montre mon billet de bus où il y a l’heure du départ… j’ai dû passer pour un dingue. Finalement la fille de la réception ose réveiller quelqu’un parlant anglais et je peux expliquer ma requête à une personne endormie. On me donne alors la possibilité de prendre ma douche dans la piaule que quelqu’un venait de quitter et qu’on n’avait pas encore nettoyée (il y a encore les restes du repas de la veille…) ; et, ouf, je peux prendre ma douche (bien chaude) dans une baignoire de luxe.
Je suis à 8h10 à la gare routière, je récupère mon sac. Et là, la dame de la consigne me dit que mon bus est parti : en effet il n’est plus à sa place ! Alors là, c’est une première ! J’ai déjà raté des bus, mais jamais parce qu’ils étaient partis avant l’heure ! Donc je râle auprès du type qui gère le départ des autobus, montre ma montre, puis celle qui est au-dessus de sa tête, puis l’heure indiquée sur mon billet. On me raconte des trucs que bien sûr, je ne comprends pas, on me montre un taxi. Et encore quoi ? Je montre au type son portable et lui fais tic tic tic en pointant mon doigt dans le creux de l’autre main. Alors il téléphoné de bon cœur à je ne sais qui, un attroupement se forme ; il me fait comprendre que le bus va revenir dans 10 mn, et me sort de son local deux fauteuils en bois dur pour moi et mon sac ! Un type de l’attroupement lève son pouce vers le haut en rigolant.
Le car arrive en effet avec du monde dedans et on part, avec moi cette fois-ci. Je suis assez fier de mon coup. Hein ? J’apprendrai par un touriste chinois de Shanghai qu’en fait, le bus part normalement d’une autre gare routière située de l’autre côté du fleuve, bien que ces bus se garent habituellement pour la nuit là où j’ai vu le mien. Et que le conducteur, à la réception du fameux coup de téléphone, a fait un détour spécial pour moi !! Quelle histoire !
Mais, c’en n’est pas terminé avec ce bus : quelques minutes plus tard, alors qu’on roule à bonne allure, je vois par la fenêtre que la porte du coffre à bagages latéral s’est relevée. Je le montre à mon voisin qui me dit (par gestes) de ne pas m’en faire. Je trouve ça pourtant dangereux, ce truc à l’horizontale qui dépasse du gabarit du car sur le coté des voitures d’en face. Je me tâte pour en parler au chauffeur, car il faut bousculer mon voisin, marcher sur les bagages de l’allée centrale et remonter le bus… C’est alors qu’on entend un grand vacarme : une camionnette d’en face vient d’arracher la fameuse porte ! Coup de frein, tout le monde descend, les chauffeurs regardent les dégâts, consternés. C’est pendant cet arrêt forcé que je fais connaissance de ce touriste de Shanghai. Et il m’explique que là, on en aura pour un moment, car il faut attendre que la police vienne constater les dégâts !

Effectivement, on attend une heure et demie, car, en plus de la police (munis d’appareils photos), il faut attendre la venue les gens des compagnies d’assurance (équipés pareil), puis attendre leur décision, à savoir déterminer qui est responsable. Enfin, la compagnie d’assurance du bus a décidé de rapatrier le bus et de suspendre le chauffeur parce qu’il avait commis une faute. On nous envoie alors un autre bus, mais dont le terminus est à Gong Shan 贡山, 40 km avant l’autre bled…
La route suit cette vallée très encaissée, au fond de laquelle roule à gros bouillons la fameuse rivière (il parait que c’est à la mousson que c’est le plus spectaculaire). Sur les rives escarpées, sont accrochés des villages dont certains sont des habitations en béton, les maisons traditionnelles en bois et bambous ayant été rasées. Les vallées adjacentes sont elles aussi très encaissées et le peu de soleil ne parvient pas au fond. Beaucoup de petites unités d’équipements hydroélectriques. On traverse quelques petites villes, et celles où c’est jour de marché, il y a des embouteillages, car les gens garent leur tuktuk n’importe comment. Les gens des villages en habits traditionnels, portent leur charge sur le dos, dans de grands paniers, moyennant une corde qui s’appuie sur le front.
Le gars de Shanghai (que je ne lâche plus…) m’explique plein de choses pendant le voyage et je suis bien content de trouver quelqu’un avec qui communiquer. On arrive à Gong Shan à 17h alors qu’il n’y a plus moyen de monter plus au nord, sauf à prendre un taxi. On n’est pas pressés à ce point ! Il me trouve un hôtel à mes prix (chambre à trois lits…, sdb, clean à 50 Y) et il part de son coté, je ne sais pour quelle raison, en me donnant rendez-vous demain à 7h45 (précision surprenante ici).
Il y a un cyber café dans ce bled reculé, et j’y vais d’un bon pas. En sortant du cyber enfumé, j’entends une forte musique et une ambiance de fête sortant d’un local aux couleurs vives : c’est une boite de nuit ! J’entre ; au comptoir on m’accueille en me proposant les bouteilles plus ou moins alcoolisées ; avec un grand sourire, je montre que je veux juste regarder 5 mn. Dans la salle, il y a des tables alignées recouvertes de fruits et de boissons avec autour, des gens bien gais et la paupière lourde, surtout des hommes, et les femmes sont les serveuses ou plus, en costume ethnique local. Au fond de la salle, une estrade accueille ceux qui dansent, au rythme d’un air du coin que tout le monde braille à tue-tête. Alors que je prends quelques clips, un type éméché me déverse des tonnes de thank you, un autre lève le pouce, et je parviens à sortir sans trop de sollicitations…
Il est 21h et je trouve à temps une gargote où je mange encore un bœuf/riz, mais accommodé encore différemment. Je rentre, la rue principale est déserte. En installant mes couvertures, je découvre une prise électrique sous le lit, et je la branche : c’est pour le matelas chauffant ! Comme il faisait un peu froid dans la piaule, ce n’est pas de trop. Cependant, comme la couverture n’est pas aussi efficace qu’on pourrait le souhaiter, je suis cuit en dessous et gelé au-dessus. L’omelette norvégienne à l’envers, en quelque sorte !