09/02/2014
Ciel bas et gris : 0° ! Je reste un peu entre la couette et le sur-lit chauffant.

Pour sortir, je mets double couche de polaires, des gants et un collant, décidé à faire une rando dans les environs. Dehors, les gens se réchauffent au-dessus de petits braseros improvisés et mangent des patates rôties.
Je me retrouve au même parking à minibus qu’hier. J’essaie de décrypter les destinations proposées et les lieux indiqués sur ma carte (toutes en chinois…). Je trouve un gros minibus déjà à moitié plein qui va à … un panneau sur le pare-brise indique : 秀水. Je vois sur la carte qu’il est à 50 km sur le plateau au NO de Weining. Il faut tout de même attendre une demi-heure pour qu’il se remplisse.
À attendre avec ce froid, j’ai dû tester les chiottes de la gare routière. Même Dante n’aurai pas imaginé. Dans cette région, on est encore dans l’ancien style de la Chine profonde. Les chiottes garçons (ça doit être pareil chez les filles, sauf les urinoirs !…) consistent, sous un toit précaire, en une longue pièce : à gauche, on pisse contre le mur, une rigole recueillant ce qu’il faut, plus tout ce que les gens ont envie d’y jeter ; à droite une batterie de petits enclos sans porte et pas plus haut que 60 cm avec une rigole transversale et commune. On se place accroupi les pieds de part et d’autre de la rigole. Une chasse évacue le tout régulièrement. On peut ainsi fumer, bavarder avec son voisin de devant ou de derrière, ou encore téléphoner en évitant de laisser tomber le portable. Crasse et puanteur. Et on est en hiver… Heureusement, quand on reconstruit les gares routières, les toilettes y sont vraiment nickel.

La sortie nord de Weining est un vrai chantier, la route défoncée, étroite et encombrée de matériel de construction. Puis la route monte sur un plateau jusqu’à 2500m d’altitude, envahi par le brouillard givrant. Je me dis que pour la rando, c’est foutu, bien que le givre dessine de beaux festons sur la végétation. Mais bientôt la route redescend et finalement, dans le village où j’atterris et dont je ne connais que le nom écrit, le brouillard est parti.
C’est un petit bourg où les Hui forment une minorité importante, côtoyant les Yi et les Miao. Les Hui sont musulmans : foulards et calottes renouvellent le paysage de la rue. La spécialité de la région est la pomme de terre, et dans les rues, elle est servie sous plusieurs formes : rôtie au grill, revenue dans l’huile et servie avec ou sans sauce piquante. J’en mange un bol plein dans une petite gargote, ainsi qu’une grosse rissole farcie aux légumes et tofu (4Y!).
Ce bourg ne doit pas accueillir beaucoup d’étrangers : on me regarde l’air ébahi et certains me montrent du doigt à leurs enfants ou à leur compagnon. Certains ont le fou rire ! L’animation de ce bourg tient dans une rue de deux cents mètres très populeuse où se tiennent tous les commerces, les vendeurs à l’étal et les petits artisans bricoleurs.
Le bourg est entouré de champs, et au loin quelques hameaux où je vais. Là, on est encore plus interdit, les gens s’arrêtant comme pétrifiés… Encore quelques problèmes avec les chiens. Une fois remis de leurs émotions, les gens les chassent et m’aident à retrouver mon chemin.
Après la visite des environs, je repars vers la route nationale qui est à six kilomètres, en passant par des chemins parallèles. Je traverse des bois de plantation où le givre s’est emparé des aiguilles de pin. Et sur une petite élévation, je traverse des champs où je rencontre une vingtaine de personnes, rassemblées là pour la plantation des patates (en plein hiver !!). Il y a trois charrues en bois, tirées par un cheval et des bœufs, des jeunes qui travaillent derrière le sillon tracé : le premier pose la patate, le deuxième jette une poignée d’engrais, le troisième jette une poignée de cendres et de compost, et la charrue repasse pour recouvrir le tout. À côté, on brûle des broussailles pour se réchauffer, mais aussi pour faire des cendres. Le tout se fait dans la gaîté et les cris pour faire avancer les bêtes. Là, c’est mon irruption qui, pour le coup, provoque l’hilarité générale !
J’arrive enfin à la N 102. Je fais signe à un minibus jaune mais le chauffeur me fait comprendre qu’il est plein. La voiture qui suit, s’arrête et l’un des trois jeunes me propose de monter : il se frappe les épaules pour dire qu’il fait trop froid pour que je marche dehors ! Et me voilà une nouvelle fois pris en stop. Je ne l’aurai pas imaginé !
À Weining, que je connais maintenant par cœur, je fais quelques courses et rentre me réchauffer dans ma chambre d’hôtel ! Je me fais un petit frichti dans ma chambre car je n’ai pas trouvé de restaurants autres que de hamburgers, et j’en ai marre des gargotes en plein vent. Sur internet, j’apprends que le village s’appelle Xiushui ( 秀水 ).