14/01/2008

Je me réveille alors que le bus est arrêté dans un parking. Des gens dorment encore. Il est 6h et il fait nuit. Il y a du brouillard et on n’y voit rien. J’en profite pour aller pisser et remonte dans le bus pour me recoucher. Au bout d’une heure, on est toujours au même endroit et le jour se lève ; des gens dorment encore dans le bus. Je me renseigne : on est bien arrivé à Yuanyang* !!!

Un genre de tuktuk micro taxi (chimère de coléoptère et de scooter) m’amène à l’hôtel. La pièce de réception est remarquable par ses deux énormes portraits de Mao. Un papy en tenue vert olive, et lunettes d’écaille épaisses, très indécis sur la chambre à me donner, se confondant dans un inextricable jeu de clés, me répétant cent fois le prix de la chambre (45 Y – on se comprend à peine …), m’en fait visiter plusieurs : j’opte pour une avec vue sur la ville accrochée à flanc de montagne. La brume se dégage puis revient. Il fait froid, mais il y a de l’eau chaude aux robinets. Petit dej, douche, lavage de fringues.

*Petite précision utile concernant les toponymes : Yuanyang 元阳 est le nom du canton qui comprend plusieurs villes/villages, dont Nansha 南沙, le gros bourg près du Fleuve Rouge et des grandes routes, et Xinjié 新街, village de montagne au centre des fameuses rizières et à une trentaine de km de la précédente, là où mon car a son terminus.

Promenade en ville (Xinjié). C’est une petite bourgade, plutôt pauvre (rien de neuf depuis l’ère Mao), et les femmes sont presque toutes en costume traditionnel : ici, il y a les Hani, habits portant sur le bleu indigo et turban vert, et les Yi-de-fleurs-de-toutes-couleurs dont les habits sont en effet de toutes couleurs. Ces femmes font leur marché avec le panier dans le dos (parfois un bébé est dedans). Le brouillard va et vient.

Je rencontre un italien volubile (pléonasme), de mon âge à peu près, qui est là depuis cinq jours et qui me donne quelques tuyaux. Il me recommande d’aller dans certains endroits du Yunnan, hors des circuits touristiques, ce qui fait que je vais étudier la question…

Je trouve un micro taxi (10 Y) pour aller à 20 km de là (MengPing, 勐品, N 23.07493 E 102.74611) pour aller voir les fameuses rizières en étages qui font la renommée de cet endroit. Le paysage est magnifique, et ce d’autant que la brume s’est complètement levée. Rizières à perte de vue alors qu’une vallée se creuse au milieu. Arrivé à destination, à peine sorti du tuktuk, des filles Yi de précipitent qui pour me vendre des cartes postales, qui des broderies, qui divers objets d’usine.

L’une d’elles me propose de descendre au fond de la vallée par les rizières et de remonter sur le versant d’en face jusqu’au village qu’on voit là-bas, au loin … on marchande et finalement après être passé de 150 à 60 Y, elle devient mon guide. Superbe randonnée (descente facile, remontée à pas plus mesurés…) de 2h dans ce meli mélo de rizières en eau.

Arrivés dans le village d’en face (en sueur), elle me fait visiter une pagode rénovée, sous les yeux des gens curieux. Mais comme elle connait tout le monde…

Retour par un tuktuk et je demande à être déposé dans un joli endroit que j’avais vu depuis la route à l’aller. Je descends par les rizières dans un village (QuinKou, 箐口, N 23.11897 E 102.74634 , Hani) de toute beauté car les toits sont en chaume, murs en pisé, les ruelles étroites, pavements couverts de crottins de buffles, mômes qui jouent aux Pokémons en cercle, femmes qui lavent leur linge en jacassant, … Je passe : le monde s’arrête de vivre pour me regarder, surtout lorsque je m’arrête pour acheter une bouteille de bière et m’installe à côté d’une vieille assise sur un tronc d’arbre. Puis tout reprend vie d’un coup, les discussions essayent de s’engager, les éclats de rire fusent alors que je reluque que les bijoux d’une femme façonnés à partir de pièces d’argent de la République Française de 1920 (des piastres ayant eu cours au Vietnam durant la colonisation) !

Je reprends la route et reviens avec un tuktuk à Yuanyang, pour aussitôt repartir dans la direction opposée vers Longshuba 龙树坝 (N 23.13553 E 102.72273 – 5 km à pied sur une piste tordue, puis dans un sentier qu’on dirait chez nous « à mulets », mais ici, à buffles), et dont les rizières sont, parait-il, de toute beauté au coucher du soleil. La vérification est faite ; il était temps car, une fois le soleil couché, les batteries de l’appareil photo sont à plat et mes cartes mémoires sont pleines. Les misères du touriste…

Le soleil se couche, les rizières sont rosées, quel calme… Soudain, des couinements : une jeune femme, Nikon à bout de bras, me crie « ha, you are very clever to find this place« . C’est une fille de Shanghai qui s’est perdue dans les rizières, et pour qui je suis un peu la bouée de sauvetage, d’autant plus que la brume revient et que la nuit tombe. Alors nous voilà bien, errant dans les entrelacs des parcelles inondées, jouant les équilibristes dans la brume, puis, ouf, je retrouve le sentier qui mène à la piste … qui mène à la ville… On a le temps de bavarder, elle est guide pour les touristes espagnols à Shanghai (!), elle (24 ans) gagne plus que son père qui est ouvrier et répare des machines dans une usine d’optique pour 1000 Y/mois. Elle veut connaitre son pays dont elle est très fière, et elle est chagriné que les minorités, surtout les Tibétains et les Ouigours « hate » les Hans et le gouvernement communiste… Elle admire le Yunnan et trouve les minorités ici très sympathiques.

Arrivés en ville, on cherche un restau et on dine ensemble (c’était du coup bon et très économique vu qu’elle a discuté des prix pendant un bon quart d’heure). On s’est donné rendez-vous le lendemain pour aller visiter le marché de NiuJiaoZhai, à 20 km de là. Dans cette région, les marchés reviennent dans un village tous les cinq jours, et pour les visiter il faut avoir un bon calendrier…